
Dans le Bam, tout est
bonheur !
Eh oui, nous
avons trouvé !
Trouvé le
bonheur en cette saison 2020 : avec une
course sur une bonne neige naturelle …et
sans coronavirus !
A la
mi-mars, cela existait encore : un peu
loin, il est vrai, mais tellement
beau.....A Ogonski.
Vous ne
savez pas où est Ogonski ?
A 40 km au
sud-est de Irkoutsk.
Irkoutsk ?
C’est la capitale de la Sibérie
orientale, à deux encablures du Baïkal.
Vous savez, le plus grand lac du monde,
la plus grande réserve d’eau douce du
monde. 750 km de long, une cinquantaine
de large et plus de 1600 m de
profondeur. Le paradis caché de Philippe
Tesson…
Mais
revenons à Ogonski. C’est une sorte de
colonie de vacances perdue au milieu de
nulle part, sans village ni âmes qui
vivent, sauf … sauf que c’est sur la
ligne du transsibérien entre Irkoutsk et
Oulan-Oudé (qui est, comme chacun le
sait, la capitale de la République de
Bouriatie). Sans doute la seule course
populaire accessible en train et
seulement en train (même si nous avons
tenté et réussi la jonction en voiture :
très déconseillée).

Ogonski :
site du BAM, le « Bolchoï Alpinskiï
Marafon », autrement dit du Grand
Marathon Alpin ! Une course de 36 ou 50
km, style classique, qui porte bien son
nom : plus de 1200 m de dénivelé
positif…
Une course
inscrite à la Russialoppet, ce
regroupement de courses russes de longue
distance (sorte de Worldloppet locale)
et qui expliquait ainsi notre présence.
« Notre »
présence : celle de 7 « frantsouski »
qui avaient choisi de finir leur saison
de cette façon. Des habitués de la
Russie : mon épouse Isabelle, Régis
Peschot (d’Annecy), Jean-Yves Comby (de
La Pesse), Stéfan Thiery, Yves Martingay,
Patrice Turlan et moi-même, tous 4
parigots. Ne manquait que le morvandot
Dominique Thiery, hélas bloqué à la
dernière minute par une artère peu
compréhensive.
Un très
joli profil, une course très pro.
Plus de 450
participants à ce marathon …alpin. Des
costauds.
Le parcours
est simple : une montée de 200 m sur les
quatre premiers kilomètres puis 2
boucles (pour le 36 km) ou 3 boucles
(pour le 50 km) de 14 km et un peu plus
de 300 m de dénivelé par boucle. Bien
sûr, après sa dernière boucle, il faut
redescendre sur le départ qui est aussi
ligne d’arrivée. Il parait que les
premiers dépassent le 70/80 km/h sur
cette descente étroite et légèrement
sinueuse !

Cette année,
nous avons bénéficié d’une belle
poudreuse, fartée, pour ma part, en
poussette SWIX bleu extra des années 80
(-2°/-8°) parfaitement adaptée. Très
bonne retenue (… et il en faut : la
double poussée est franchement peu
adaptée au profil du BAM) et glisse très
satisfaisante.


Une piste
plutôt étroite (jamais plus de deux
traces) qui serpente joliment entre des
forêts de bouleaux puis de pins. Un
ravitaillement tous les 7 km, installé
dans des abris de bois permanents.
Magnifique.
Une ambiance
à la russe : chaleureuse, excessive et
tellement communicative !
Des
descentes aussi nombreuses que les coups
de cul, mais jamais piégeuses.
Un régal.
Mais un
régal… exigeant. Le premier gagne,
isolé, en 2h45’. Pour 50 km. Pour ma
part, je me contenterai d’être 1er…
français en 4h13 (et 4ème des
plus de 70 ans…).
Jean-Yves
(4h43), Régis (4h51) et Stéfan (5h20)
terminent sans soucis le 50 km, quand
Patrice décide (en course) de se limiter
au 36 km (4h51).
Isabelle et
Yves préfèrent, vu le profil, jouir du
paysage et se promener sur une seule
boucle (et donc 22km).
Petit détail
amusant : au 46ème kilomètre,
c’est juste avant d’engager la longue
descente finale, de charmantes pin-up
nous tendent un ultime ravitaillement.
De couleur rouge pourpre. On avale sans
inquiétude…
Surprise,
c’est une sorte de vodka parfumée : bref
cela frise les 40 degrés d’alcool et
donne comme une secousse étrange pour
aborder les lacets finaux !
Un
hébergement et un accueil incroyables
La course se
déroule un samedi. Départ à midi
(horaire très habituel pour les courses
russes : faut dire qu’en général les
russes bouclent tous leur 50 km en moins
de 4 heures et ne terminent donc pas à
la nuit).
Pour notre
part, nous avons quitté la France le
mercredi vers midi. Arrivée à Irkoutsk
(après une escale, une dizaine d’heures
de vol et 7 heures décalage horaire) au
petit matin le jeudi.
Le vendredi
transfert sur Ogonski où nous sommes
restés deux nuits. Hébergement en
(rustiques mais confortables) cabanes de
4, situées à 500 m du départ. Ce
« village vacances » est réservé aux
concurrents du BAM et comprend une salle
de restaurant ouverte quasiment jour et
nuit et où de charmantes jeunes femmes
servent des repas adaptés (nouilles
notamment).
Et des
douches avec …. « bania » (comprenez
« sauna » …à plus de 100 ° Celsius !).
Nous y avons croisé des skieurs, tous
participants au BAM, dont quelques-uns
déjà rencontrés les années précédentes
lors d’autres courses de la Russialoppet.
Belles retrouvailles, malgré les
problèmes de langue.

A notre
arrivée, un grand gaillard, qui fut en
son temps champion olympique de patin à
glace de vitesse, Artyom Detysshev nous
accueille et présente les lieux. Heureux
mais aussi très étonné qu’une délégation
française participe à cette épreuve : du
jamais-vu. Ou presque : seul un français
(et pas n’importe lequel) est venu
auparavant sur ce BAM : Bernard Chauvet !
Euh… je le rassure aussitôt sur les
performances attendues de notre
délégation.
Dans
l’après-midi nous reconnaissons la
montée et (pour Jean-Yves et moi la
boucle de 14 km).
Jean-Yves,
toujours curieux de tout, réussit à
s’égarer.
19h00, il
fait nuit et pas de Comby à l’horizon.
Ni dans sa cahute, ni à la cantine, ni à
la salle de fartage, ni au bania ! Nulle
part.
Et bien sûr
dans ce paradis du ski de fond, les
mobiles ne passent pas. Aucun réseau…
L’inquiétude
devient angoisse et nous envoyons deux
forts gaillards en skidoo refaire la
piste de nuit.
Alors qu’ils
n’ont vu personne et repartent pour une
seconde boucle à contre sens, la bonne
nouvelle tombe : Jean-Yves a trouvé des
bucherons qui le ramèneront at home.
Mais il leur faudra près de 3 heures
avant que leur Lada 4x4 n’arrive sur
notre hébergement. Il est 23 h… et les
« cantinières » décident de faire des
heures sup’ et d’attendre ce pauvre
français égaré.
Merci à
elles.
A la remise
des dossards, outre le bug aux couleurs
du BAM offert à tous, les 7 français ont
droit à un maillot vantant cette
épreuve. Nous sommes gâtés.
Comme à
chaque course russe que je fais (et
c’est déjà la douzième différente) je
suis surpris par l’attention qu’ont nos
hôtes de vraiment bien nous recevoir.
Cela fait chaud au cœur.
Et comme
toujours mes quelques mots de russe me
permettent, nous permettent d’échanger
plus en avant … et de vanter notre
Trrrransssjourasssieinnne que beaucoup
connaissent, certains ont courue.
Un
paradis touristique
Et comme
toujours, cette course fut un bon
prétexte à une sortie touristique
merveilleuse autour de quatre temps
forts :
-
Le Baïkal
-
Irkoutsk
-
Ekaterinbourg
-
… et le
transsibérien.
Je vous
renvoie aux photos prises durant ces
quelques jours que vous trouverez en
suivant ce lien :
https://www.flickr.com/photos/96201167@N06/albums
Mais je veux
insister sur l’immensité de ce pays, de
cette région et la simplicité avec
laquelle on s’y déplace, on s’y intègre.
Le Baïkal,
je l’avais vécu au printemps et en été ;
c’est la première fois que je le
fréquentais à la belle saison : en plein
hiver, lorsque ses eaux sont durablement
prises en glace. C’est un spectacle
inoubliable, qui chaque minute présente
des facettes différentes.
La poésie de
cette glace transparente (jusqu’à 40
mètres, parait-il) qui dessine ici des
fleurs, là des formes géométriques
surprenantes, plus loin des lignes d’une
droiture interminable …
Cette
glace sur laquelle nous avons cheminé,
en aéroglisseur, à plus de 90 km/h,
cette glace que notre chauffeur a
tendrement percée de sa chignole
électrique pour fabriquer des verres
naturels où verser de la vodka (de la
« Baïkal » parfumée aux épines de pin)
et nous permettre ainsi
le bisou au Baïkal.
Cette glace,
ce lac infini tout juste bordés par de
hauts massifs (jusqu’à 3000 mètres de
haut).
Tout un
univers dont on ne se lasse pas.
Avec
quelques surprises, comme ces patineurs
qui glissent sur des patins montés de
fixations salomon (avec des chaussures
et des bâtons de skate). Jean-Yves s’est
promis de s’en fabriquer à son retour
dans le Jura.
Un univers
dont nous nous sommes d’autant moins
lassé qu’il faisait beau et pas vraiment
froid.




Irkoutsk ?
Relisez Michel Strogoff !
Irkoutsk :
cette ville (qui dépasse tout de même
les 700 000 habitants) est une capitale
universitaire et culturelle … depuis que
les décembristes (ces officiers de la
Haute noblesse tsariste qui tentèrent au
début du XIXème siècle une Révolution à
la Française) y furent exilés (après
tout de même 3 ans de travaux forcés en
Sibérie extrême orientale). Une belle
capitale avec ses grandes maisons de
bois, ses églises très… orthodoxes, son
quartier 130, petit bijou à touristes et
son ambiance bien particulière. Les
cosaques qui la fondèrent ne sont jamais
bien loin.



Ekaterinbourg ?
C’est la ville où le dernier tsar,
Nicolas 2, sa femme, ses 4 filles et son
fils furent exécutés en 1918. 7 églises
majestueuses rappellent le souvenir de
ces 7 martyres.
C’est
surtout la limite géographique entre
l’Asie et l’Europe. Une belle ville qui
sait prendre ses sources des deux côtés
de la « frontière » et unir les deux
continents… Un lieu qui se fête
symboliquement à coup de champagne
(russe, évidemment).


la ligne
de démarcation Europe/Asie
Le
Transsibérien : nous n’y avons passé
« que » 57 heures : de Irkoutsk à
Ekaterinbourg. Peu à peu, on se prend à
vivre le temps détaché. Rien à voir
qu’une permanente succession de
bouleaux, parfois entrecoupés de
villages rudimentaires (quelques isbas
de bois, un vague chemin les
réunissant), plus souvent par de forts
complexes industriels (des gros
bâtiments aveugles, des grues, des
rails, des rails, des rails…).
Et des
trains de marchandises interminables
(j’ai compté jusqu’à 75 wagons !).
57 heures
sans rien de précis à faire, sans rien
de nouveau à voir : que l’immensité de
la taïga, ni à entendre si ce n’est le
roulement régulier des bogies.
C’est sans
aucun doute là le vrai charme du
Transsib.

Bref que du
bonheur et loin, si loin du coronavirus
et des troubles que nous avons retrouvés
bien vite en débarquant sur
Paris-Charles-de-Gaulle le dimanche
midi….
Rajoutez à
cela un rouble sous-évalué (74 roubles
pour un Euro) nous donnant la douce
illusion d’être riche (un bon repas au
restau pour 15 € tout compris, un litre
de vodka (excellente) pour10 €, le demi
de bière (sibérienne) à 2 €.
Mais surtout
un peuple chaleureux, accueillant,
serein. Heureux de partager.
Tout
l’opposé de l’image triste et quelque
peu angoissante que nous en avons, à
tort, de Paris !
Sûr : on y
retournera l’année prochaine autour de
deux autres courses de la Russia.
Et, à propos
de Russialoppet, elle compte désormais
un 3ème français gold-master :
l’ami Régis qui a achevé ici sa 10ème
course différente sur (au moins) 5
régions différentes de l’immmmmense
Russie. Bravo, Régis !
Boris
Petroff
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