Je
suis le meilleur ! ......Et pourtant je n’ai jamais
gagné de course : pire je ne suis jamais parti avec l’idée que je
pourrais gagner une course. Ni même me battre pour terminer en haut du
classement !
D’ailleurs je ne connais même pas le nom de
celles et ceux qui pourraient gagner et ne me souviens jamais du nom de
celles et ceux qui ont gagné. Cela ne m’intéresse pas. Désolé.
On ne vit pas dans le même monde et pourtant
j’ai besoin d’eux comme ils ont besoin de moi.
Et je persiste : je suis le
meilleur.
Je n’ai eu de licence officielle que durant
deux saisons (c’était au siècle passé, dans les années 80) et cependant
j’ai inscrit (à ce jour) à mon compteur… 390 courses à pieds (et au
total 8237 km), 311 courses à ski (et … 15023 km), 119 en VTT (4 850
km), 32 raids et triathlons (1 802 km), 9 courses en roller (… 9 fois
les 24 h du Mans) et 9 courses en canoë (191 km).. Et je ne parle pas
des Chemins de Compostelle ni des Mont Blanc et autres Kili que j’ai eu
grand plaisir à gravir.
Comment je le sais ? Parce que je note
toutes mes courses, parce que je suis un compétiteur ! Mais, un
compétiteur comme c’est écrit sur le fronton de la Vasaloppet ou de la
Dolomitenlauf :
c’est seulement contre moi que je me bats, et toujours avec les autres,
avec tous les autres.
Chaque course (c’est-à-dire grosso modo 3
week-ends par mois depuis 35 ans…) est une épreuve où je donne le
meilleur de moi-même, même et surtout parce que ce n’est pas beaucoup
mais sans jamais avoir sacrifié mon bonheur de vie quotidienne pour
gagner des secondes. Je ne me suis jamais entrainé autrement qu’avec un
dossard sur le dos.
Courir c’est d’abord du plaisir, ensuite de
la solidarité (de la communion), enfin un résultat : au début je me
fixais l’objectif de 150 % du premier, aujourd’hui je me contente de ne
pas mettre le double de leur temps. Résultat : je dure…
Et je suis le meilleur !....Ce
n’est pas une boutade.
La solidarité, la communion : c’est le
bonheur de croiser Jacques P. au Marathon de la Clarée qui m’interpelle
par ces mots : « Mais que fait un spécialiste de la Worldloppet
ici ? » et me donne des nouvelles du pays, ou Gilles G. qui
m’encourage sur les derniers hectomètres « Vas-y Boris, tu es
bien ! » ou Gilles X. qui s’étonne de me voir classé au Marathon Ski
Tours, moi le non-licencié ! « Même qu’à ce jour je suis le premier
des V8 à V12 » que je lui réponds…Ou Régis avec qui nous avons
inscrit cette année le Marathon du Lac de Baïkal, en Sibérie, à notre
programme…
Depuis 35 ans que je traîne mes lattes je
m’en suis fait des amis et aucun ennemi. Je me suis souvent arrêté pour
aider un inconnu dans la souffrance, prendre des photos (c’est ma
marotte) ou causer, causer. Les secondes passent : et alors ?
Je respecte les gagnants : et je demande
qu’ils nous comprennent, nous les clampins. Je n’ai pas de licence, pas
vraiment de club, nul ne suit mes perfs (sauf moi) mais je paie mes
droits d’inscription ! Et je fais la masse : sans nous, les faux
champions qui se battent (et je les respecte et ne les méprise surtout
pas) pour être dans le top 3 des plus de xx ans n’auraient plus de
terrains de lutte.
Je pense qu’il y a la place …
pour les professionnels : les sportifs
de haut niveau : ceux qui passent à Eurosport,
les toujours compétiteurs (qui ont gardé
la rage de vaincre même si le corps ne suit plus tout à fait)
....et nous : la masse des autres… qui
avons toujours privilégié le plaisir au résultat … même si en fait
nous souffrons souvent bien plus longtemps que les précédents !
Alors je n’ai jamais participé à des courses
Master (mais je comprends très bien le plaisir qu’en retirent les
autres), je n’ai pas même le droit d’adhérer à l’association des Masters
(puisque je ne suis pas un vrai compétiteur, c’est-à-dire licencié), je
suis choqué par le principe du ticket course à 10 € par épreuve
qu’impose la FFS pour les non licenciés : je suis déjà assuré et bien
assuré par ailleurs !
Mais je suis le
meilleur ! Le meilleur français ! Pas par le nombre de
Masters Worldloppet que je totalise : avec 11 (fois 10 épreuves
internationales) je suis loin derrière Hannes Larsson.
Mais par le nombre
de Vasaloppet terminées : 27 à ce jour, sans doute 28 dans 15 jours.
Cherchez bien : il n’ ya pas (encore) d’autres Français qui me
battent ! Le meilleur, vous dis-je. Bon la Vasa ce n’est que 90 km,
c’est pas mal plat mais c’est tout de même une vraie course, avec 15 000
concurrents au départ. Pour mes premières éditions (dans les années
1990) je mettais 8 heures. Aujourd’hui, je boucle en7 heures ! Une heure
de moins qu’il y a 25 ans : y a pas à dire, je suis le meilleur.
Mon objectif est d’être le premier Français
membre du Vétéran Club de la Vasa qui n’est ouvert qu’aux skieurs ayant
terminé 30 années différentes une Vasaloppet : vous voyez que je suis un
compétiteur. Comme vous. Sauf que 30 Vasa,
c’est surtout un objectif de vie, pas de saison.
Eh oui, ma vie c’est (aussi) la compet’, ce
sont les secondes ou minutes gagnées (perdues) …même si je ne suis pas,
n’ai jamais été, n’ai jamais rien fait pour être …devant, pour être le
meilleur !
Boris Petroff
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