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L’histoire a des ratés. Les années 80
donnaient lieu à de magnifiques épreuves de fond populaires au sein de
challenges A et B qui drainaient un monde incroyable. Un certain nombre
d’éléments sont ensuite venus perturber cette belle machine qui avait
pris son élan en 1968. Vous vous en souvenez nous étions à Autrans. En
premier lieu le skäting marchait sur les traces du classique, au propre
comme au figuré. La guerre des anciens et des modernes ! Il a semblé
aussi que l’effort physique n’était plus en odeur
de sainteté, dans un monde moderne qui faisait l’apologie du virtuel.
Cerise sur le gâteau, des années sans neige, sont venues perturber cet
édifice fragile.
« Nordic Magazine » dans son dernier
numéro a clairement posé la question de l’avenir des courses populaires.
On peut élargir nos interrogations en rassemblant l’ensemble des
disciplines nordiques. Les sports de pleine nature sont dans l’air du
temps. Toutes les fédérations ayant pignon sur rue, ou chemins, ont plus
ou moins bien négocié leur intégration dans leur environnement. Il
semble que nous soyons à la traine ! Ces quelques lignes pour essayer,
de façon non exhaustive, d’apporter des éléments de réponse.
La France placée à l’ouest de l’Europe,
n’a pas bénéficié des courants froids venus du nord. Longtemps
considérée comme une nation non nordique, l’activité a vécu soit en des
lieux privilégiés soit pratiquée par des passionnés. Alors les courses
populaires sont-elles toujours d’actualité ? A voir l’engouement
constaté à chacun des grands rendez-vous continentaux, oui. Une nuance
toutefois à la lecture des âges des compétiteurs, il semble qu’il y ait
un glissement très net vers les catégories les plus âgées. On pourrait
penser que ce serait le cas pour tous les sports nécessitants une grande
endurance. que nenni ! On constate une extraordinaire attirance pour de
nombreuses activités comme le trail, la course sur route (à ce jour
54 000 personnes sont déjà inscrites au marathon de Paris), le VTT, le
cyclo sport et le cyclo tourisme, la natation etc. Les sports de pleine
nature sont dans l’air du temps ! L’exploit réside dans le fait d’être
là au bon moment.
Mais comment font-ils ? De la réponse à
cette interrogation dépend de l’avenir des « Longues » en fond. Si nous
n’avons pas su appréhender le passé, sachons préparer l’avenir. L’avenir
des fédérations et des grands rendez-vous, ce sont les nouveaux
aventuriers, les malades de la vie stressante, les sportifs, les
contemplatifs. Le sport loisir, longtemps enfant pauvre des fédérations
a aujourd’hui retrouvé toute sa légitimité, à condition de construire
des passerelles, basées sur la réciprocité et en évitant d’augmenter les
licences.
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Tout d’abord faire connaitre nos domaines
nordiques. Une première étape qui parait si facile quand on l’écrit
qu’on pourrait croire qu’il n’y a qu’à claquer des doigts pour réussir.
Il me revient en mémoire les championnats du monde Masters qui avaient
lieu à Autrans en 2009. Trois stations Françaises en concurrence. Une
délégation FIS est venue départager les villes candidates. Quelle n’a
pas été ma stupéfaction quand ils se sont écriés qu’ils ne savaient pas
que nous disposions de tels territoires. Il faut préciser que nous
venions de visiter la Bresse, Les Rousses et Autrans. Ce qui se fait de
mieux en France, voir en Europe et qu’ils ne connaissaient absolument
pas. Explication, à part La Clusaz et depuis peu, nous ne bénéficions
d’aucune dynamique sportive d’aucune visibilité, qui pourrait valoriser
nos domaines. Tout se passe au sein d’un centre Europe et Scandinave,
loin des préoccupations hexagonales, et fermé à double tour.
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Evidement la communication sous toutes ses
formes est défaillante. Faire savoir à un public passionné, sur notre
sol, est une chose, mais toucher un public plus large loin de nos bases
en est une autre. La plupart de nos compétitions se passent dans
l’anonymat le plus complet, hors de nos frontières ! Les championnats du
monde nordique qui viennent de se dérouler à Falun (Suède) en est la
preuve. Pas une radio, et pourtant c’était facile (RMC sport – les
Frances Bleues – et toutes les autres aux abonnées absents) n’a
communiqué sur les performances de l’ensemble de l’Equipe de France.
Seul France 4 a collé à l’actualité. Six médailles acquises au courage
sans que nos journalistes sportifs s’en émeuvent. Il reste le papier.
Les quotidiens ont relaté les faits. Il y a les sites internet, les plus
réactifs, mais qui s’adressent à ceux qui savent. Il n’existe aucun
mensuel, seul des démarches territoriales ou personnelles informent, il
existe la revue de l’ANCEF et celle Nils Louna, alors que les rayons des
magasins de presse sont copieusement garnis en ce qui concerne le
cyclisme, l’athlétisme, la natation, la planche etc. Cette complicité
favoriserait l’épanouissement. Une communication qui rapprocherait nos
champions de la population. Ainsi pourrait-on s’habituer à leur nom et
aussi mieux connaitre leur personnalité ainsi que celles des stations
qui les hébergent. Découvrir la beauté des lieux et tout ce que le
nordique pourrait amener au commun des mortels.
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Savoir exploiter l’existant. Nous qui avons
toujours su si bien copier profitons en pour voir ce qui se fait dans
d’autres fédérations. Soit nous pouvons prendre appui sur des sportifs
déjà stars dans d’autres disciplines comme Franck Picard, soit
comprendre le processus qui a permis à la FFA de promouvoir le trail et
s’accaparer la marche nordique, et ainsi d’augmenter sensiblement son
nombre de licenciés. Pour cela il faut séduire accompagner et
accueillir. Savoir attendre les derniers sur la ligne d’arrivée, donner
un coté festif à l’épreuve, ne pas tout baser sur la rentabilité.
Aujourd’hui ceux qui participent aux grandes messes sont là pour
réaliser le parcours, des « finish er ». Le classement et le temps ne
sont pas des priorités. Ce devrait-être une grande fête. Par contre on
pourrait augmenter les formats. Imaginer des épreuves par étapes. Partir
à la découverte des massifs. Organiser des épreuves beaucoup plus
longues où l’idée de finir resterait le principal objectif, encore une
fois l’état d’esprit ders « trailers ». Toutes les distances ont leur
importance et le 20 kilomètres reste l’apanage des jeunes. On devra se
soucier des prix d’inscription car - pas faire d’argent induit peu
d’intérêts- mais paradoxalement il faudra simplifier les modes de
paiement et imaginer des packagings qui faciliteront l’accès aux
épreuves. Les départs devront-être organisés par vague, histoire de
fluidifier le peloton. La remise des médailles souvent longue et
fastidieuse pourra s’envisager par l’appel de tous les troisièmes sur
scène, puis des deuxièmes et des premiers de toutes les catégories
primées. Le gain de temps est appréciable.
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Comment améliorer ? Tout d’abord simplifier
l’administratif. Notre nation championne du monde de la prévention est
passée maître dans l’art du principe de précaution, et a fini par
développer une telle complexité administrative que beaucoup renoncent à
venir courir en France et les organisateurs flirtent avec le « burn
out ». Redonner vie au classique, déjà de gros efforts ont été
accomplis. L’émergence de nouveaux circuits est la preuve que notre
activité répond à un besoin. Abondance de biens ne nuit pas à condition
de rester vigilant. Veiller au bon déroulement des épreuves, fluidifier
les départs ou savoir accompagner les champions comme la masse. Les deux
sont complémentaires. Les pistes en France sont toujours dans un état
d’entretien absolument parfait.
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Les performances de notre élite, un élément
non négligeable pour l’avenir. La FFS a su reprendre à temps le
challenge des longues distances en créant le marathon ski tour. Une
fédération accompagne les sportifs de haut niveau. La FFS avec ses
moyens financiers, le fait plutôt bien. Les résultats aux derniers
championnats du monde permettront aux épreuves françaises d’être vues
sous un angle différent. Mais une fédération a aussi pour mission
d’accueillir tout prétendant à l’effort sans avoir pour objectif de
développer l’esprit de compétition. Cette mission moins connu abrite en
son sein toutes les activités de loisir qui constituera dans l’avenir
l’ossature de l’édifice. Parmi celle-ci deux me paraissent essentielles,
la santé et les Masters, qui sont complémentaires la plupart du temps.
Je tiens à préciser que la FFS, par l’intermédiaire de son président, a
su prendre en compte ces deux composantes. Une attitude responsable mais
trop récente pour avoir eu une incidence sensible sur le nombre de
licenciés et sur les « longues » de demain. Le ministère de la santé
est lui aussi directement concerné par le développement des courses de
demain. Des familles qui partent à la découverte des paysages, qui vont
à la rencontre des Hommes qui les façonnent aux malades qui reprennent
goût à la vie et les personnes âgées qui conservent santé et motivation,
c’est cela le nordique. Le Ministère de la santé devra s’impliquer dans
le futur calendrier des Longues Distances. Une implication qui devra se
traduire par des stands sous lesquelles préventions, explications,
accompagnement, devront-être les maitres de mot de son
discours.
Comme il est lassant d’écouter des discours
politiques de grande qualité, la plupart du temps, mais qui ne mènent à
rien, il est difficile de mettre en application l’ensemble des
préconisations citées ci-dessus, sauf si la volonté de tous les acteurs
est d’aller dans le même sens ! On pourrait préciser que la fatigue
diminue avec l’entrainement, qu’aujourd’hui le look du fondeur n’a plus
rien à envier à personne, que la modernité, l’artifice et la glisse font
parties des atouts de notre milieu, que les prix restent encore éloignés
de ceux pratiqués par nos amis alpins et que la nature dans laquelle
nous évoluons conserve une partie de cette virginité à laquelle nous
sommes tant attachés.
Directeur National Masters à la World
Masters Association
Gilles Grindler
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